Port-au-Prince _ Dans le bidonville de Cité Soleil, symbole de la pauvreté extrême et de l’abandon en Haïti, un massacre atroce a fait plus de 110 victimes, reflétant une violence profondément enracinée dans le tissu social et culturel. Ce quartier surpeuplé, déjà marqué par l’emprise des gangs, a été le théâtre d’exécutions cruelles liées à des accusations de sorcellerie. Selon le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), ces événements tragiques sont survenus après que Monel Felix, chef de gang local, ait imputé la maladie de son fils à des habitants qu’il soupçonnait d’avoir pratiqué un acte de sorcellerie.
Après avoir consulté un prêtre vaudou, Felix aurait désigné des membres de la communauté, notamment des vieillards, comme les responsables supposés de la malédiction affectant son enfant. Cette superstition a déclenché une vague de terreur inouïe : des hommes et des femmes âgés ont été arrachés à leurs foyers, sauvagement assassinés, leurs corps mutilés et brûlés en public. Des jeunes ayant tenté de défendre leurs proches ont subi à leur tour le même triste sort, illustrant l’impitoyable cycle de violence qui gangrène la société.
Ce massacre, loin d’être isolé, s’inscrit dans une série de violences qui a déjà coûté la vie à plus de 5 000 personnes depuis le début de l’année. La situation atteint une dimension intolérable, où même l’âge, autrefois synonyme de respect et de garantie de la morale sociale, devient une sentence mortelle.
Haïti, dévastée par l’absence d’un État fonctionnel et le règne de la terreur, se voit privée des principes élémentaires de justice et de dignité humaine.
Un État Défaillant et une Communauté Internationale Inerte
La crise en Haïti atteint un niveau insoutenable, marqué par un État incapable de répondre à l’ampleur des violences. Fragilisé par des années de corruption et de désorganisation, le gouvernement reste impuissant face à l’emprise des gangs, qui dominent une grande partie du territoire. La Police Nationale d’Haïti (PNH), en première ligne, souffre d’un cruel déficit de formation, d’équipements et de ressources pour contenir cette spirale de violence, qui selon bon nombre de citoyens est impuissant face à cette situation.
Pendant ce temps, la communauté internationale peine à passer de la parole aux actes. Bien que le Secrétaire général de l’ONU ait adressé ses condoléances aux familles des victimes et appelé à des mesures judiciaires contre les responsables, ces déclarations se heurtent à une absence de soutien concret. Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU, a souligné l’importance de renforcer la Mission Multinationale de Sécurité dirigée par le Kenya qui peine a apporte un soutien reel, mais cette initiative reste sous-financée et mal soutenue.
Le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Volker Türk, a dénoncé l’ampleur de la tragédie, évoquant un bilan effroyable de 5 000 morts dans le courant de l’année 2024. Malgré ces chiffres alarmants, les actions nécessaires tardent à se matérialiser, laissant la population haïtienne à la merci du chaos. Cette inaction prolongée ne fait qu’aggraver une situation déjà critique, où les appels à l’aide restent largement ignorés.
“Le Secrétaire général appelle à une enquête approfondie et à ce que les auteurs soient traduits en justice.”
Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général de l’ONU
Des chiffres glaçants, des réalités insoutenables
Les violences en Haïti atteignent des proportions alarmantes. Selon l’ONU, 184 personnes ont perdu la vie lors de cette dernière vague d’atrocités, l’un des bilans les plus meurtriers de l’année. Depuis janvier, ce sont plus de 5 000 victimes qui s’ajoutent au sombre décompte des morts causées par les gangs.
Ces statistiques terrifiantes ne sont que la partie visible d’une tragédie plus vaste. “Le système judiciaire haïtien est tellement dysfonctionnel que les criminels agissent en toute impunité”, alerte Nathalye Cotrino de Human Rights Watch. En plus des meurtres, des violences sexuelles sont utilisées pour maintenir les populations locales sous un climat de terreur constant.
La crise des déplacés internes illustre une autre facette de ce désastre : plus de 700 000 personnes, dont une majorité d’enfants, ont été contraintes de quitter leurs foyers, selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Ces chiffres révèlent l’ampleur de la détresse humaine dans un pays où les réfugiés internes se retrouvent sans protection ni espoir.
Un État inexistant et une réponse internationale insuffisante
Avec 85 % de Port-au-Prince sous le contrôle des gangs, l’effondrement de l’État haïtien est manifeste. Les institutions semblent avoir déserté, laissant les citoyens livrés à eux-mêmes. La Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité, menée par le Kenya depuis juin, manque cruellement de ressources et de moyens pour répondre à l’urgence.
Quant au Conseil Présidentiel de Transition (CPT), chargé d’organiser des élections, il est réduit à l’impuissance. “Le CPT ne fait que régner sur un tas de cendres”, déclare Romain Le Cour Grandmaison de GI-TOC. Cette absence de leadership laisse un vide que la violence continue de remplir.
Le Kenya, seul pays à intervenir, semble isolé face à cette crise titanesque. Les nations dotées de moyens supérieurs hésitent à s’engager pleinement, laissant la charge de la réponse internationale sur des épaules déjà surmenées. Pourquoi cette inertie de la part de partenaires pourtant capables d’agir ?
Face à une telle catastrophe humanitaire, l’inaction devient un choix coupable. Laisser Haïti sombrer dans le chaos, c’est abandonner son peuple à une tragédie sans fin.
Une Urgence Oubliée : Agir Avant Qu’il Ne Soit Trop Tard
La tragédie de Cité Soleil s’inscrit dans une histoire de souffrances et de violences qui perdure depuis des décennies. Malgré une résilience admirable, le peuple haïtien ne peut affronter seul l’ampleur de cette crise. Chaque jour de passivité internationale aggrave l’effondrement social et sécuritaire du pays, rendant l’appel à l’action encore plus pressant.
Les promesses d’aide, souvent répétées mais rarement concrétisées, sonnent creux face à une réalité invivable qui exige des réponses immédiates et efficaces. Le chaos gangstériste a pris racine, favorisé par des institutions nationales défaillantes et l’inaction prolongée de la communauté internationale. Il ne s’agit plus d’un simple appel à la solidarité, mais d’une exigence pour enrayer l’impunité et préserver ce qui peut encore être sauvé.
Chaque jour d’inaction face à la crise haïtienne aggrave l’impunité et condamne un peuple déjà à bout.
Une Justice Qui Se Fait Attendre
Les massacres de Cité Soleil ne sont pas des faits isolés, mais le reflet d’un désordre qui gangrène l’ensemble du pays. La question centrale reste sans réponse : combien de temps faudra-t-il encore avant qu’une véritable prise de conscience ne pousse à l’action ?
Pourquoi les responsables politiques haïtiens et les acteurs internationaux restent-ils aussi inefficaces face à une crise aussi flagrante ? Les victimes, pourtant nombreuses, continuent de subir une double peine : l’horreur de la violence et le silence assourdissant de ceux qui pourraient agir.
Les discours et condamnations ne suffisent plus. Haïti ne peut attendre davantage. L’heure est venue d’écouter ceux qui, malgré tout, trouvent encore la force de témoigner. Il est temps de transformer ces appels en actions concrètes.
Le moment d’agir est arrivé, avant que le pays ne bascule définitivement dans l’irréparable.