Les portes du monde : une histoire des sens humains

Nos sens sont bien plus nombreux qu’on ne le pense. Et si percevoir, c’était aussi apprendre à se connaître ? Nos sens sont bien plus nombreux qu’on ne le pense. Et si percevoir, c’était aussi apprendre à se connaître ?

Il existe, en philosophie, cette idée selon laquelle deux mondes coexistent pour chaque individu : celui qui n’existe que par son regard, et celui qui préexistait et lui survivra. Pour que l’un puisse entrer en contact avec l’autre, il lui a été offert des systèmes d’interprétation : les sens.

François Lamy écrivait dans De la connaissance de soi-même :

“Nos sens ne sont que les fenêtres par lesquelles elle regarde ce qui se passe au dehors. Ils témoignent de l’univers des choses, ils sont aux frontières et non au dedans. Ils sont les messagers de l’extérieur, jusqu’au risque de nous en rendre tributaires sinon captifs.”

Mais au-delà de cette belle métaphore, qu’en dit la science ?


Une définition plus rigoureuse

Un sens est un système biologique formé de récepteurs spécialisés, de voies nerveuses et de centres cérébraux, qui permet de capter, transmettre et interpréter des informations de l’environnement ou de l’organisme.

Cette définition moderne est récente. Pendant des siècles, notre vision des sens reposait sur le schéma proposé par Aristote au IVᵉ siècle av. J.-C. : vue, ouïe, odorat, goût et toucher. Cette classification a perduré, car elle correspond à nos organes sensoriels externes et à l’expérience immédiate.

Le tournant scientifique : au-delà des cinq sens

C’est grâce à la neurobiologie qu’on comprend désormais qu’un sens ne dépend pas d’un organe, mais de récepteurs spécialisés. Par exemple, la peau n’est pas un simple “organe du toucher” : elle contient quatre types de récepteurs pour détecter la texture, la température, la douleur et la position du corps dans l’espace.

Aujourd’hui, on reconnaît officiellement neuf sens humains. En plus des cinq classiques, il faut compter :

1. Le sens de l’équilibre (système vestibulaire)

Il nous permet de percevoir notre orientation dans l’espace et de coordonner nos mouvements sans même ouvrir les yeux.

  • Où ? Oreille interne : utricule, saccule, canaux semi-circulaires.
  • Comment ? Ces récepteurs détectent les mouvements de la tête et la gravité, et transmettent ces signaux au cerveau via le nerf vestibulaire.

2. La proprioception

Le corps ressent sa propre position et ses mouvements en continu, même dans l’obscurité.

  • Où ? Muscles, tendons, articulations, peau.
  • Comment ? Des récepteurs mesurent l’étirement, la pression ou la tension, transmettant ces informations au cervelet et au cortex somatosensoriel.

3. La nociception

C’est le sens de la douleur : un système d’alerte contre les dangers pour l’organisme.

  • Où ? Peau, muscles, articulations, organes internes.
  • Comment ? Des nocicepteurs détectent des menaces (chaleur, pression, agents chimiques) et envoient des signaux d’urgence au cerveau.

4. La thermoception

Notre capacité à sentir le chaud ou le froid.

  • Où ? Principalement dans la peau et certaines muqueuses.
  • Comment ? Des thermorécepteurs sensibles captent les variations, assurant une régulation thermique efficace.

Vers une expansion sensorielle

Certains chercheurs évoquent jusqu’à 21 sens distincts, en incluant :

  • La faim et la soif
  • La perception du temps
  • Les sensations internes (coenesthésie)

D’autres approches — psychologiques, philosophiques ou spirituelles — évoquent même 17 “sens subtils” liés à l’intuition, l’énergie ou la conscience de soi.

Conclusion : percevoir, c’est exister autrement

Nos sens ne se limitent pas à voir ou entendre. Ils sont les portes de notre réalité, les interfaces entre notre corps, notre esprit et le monde. En redéfinissant ce qu’est “percevoir”, nous ouvrons la voie à une compréhension plus riche de l’être humain — entre biologie, conscience et imagination.

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