Le groupe canadien Aylo, propriétaire des plateformes Pornhub, YouPorn et Redtube, a annoncé qu’il allait bloquer l’accès à ses sites en France à partir de ce mercredi. Cette décision, motivée par l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la régulation du numérique (SREN), marque une escalade dans la tension entre les autorités françaises et les plateformes pornographiques.
Depuis 2020, la loi française impose aux sites pornographiques une vérification stricte de l’âge des visiteurs. Une simple case à cocher ne suffit plus : les plateformes doivent garantir l’accès aux seuls majeurs. Mais à compter du 6 juin 2025, la loi SREN confère à l’Arcom (ex-CSA) un pouvoir inédit : celui de bloquer un site sans passer par un juge si ce dernier ne respecte pas ses obligations, même s’il est hébergé à l’étranger.
Face à cette pression, Aylo préfère suspendre volontairement l’accès à ses plateformes. À partir du 4 juin, les internautes français seront redirigés vers une page d’information dénonçant une atteinte à la vie privée. Le groupe affirme avoir tenté de collaborer avec les autorités françaises sans succès, et propose une solution alternative : une vérification de l’âge gérée au niveau des appareils (par Apple, Google, etc.), plutôt que par les sites eux-mêmes.
Aylo rejette les méthodes actuellement proposées, telles que la biométrie, l’identification bancaire ou les applications tierces, les jugeant coûteuses, peu sécurisées ou nuisibles à l’expérience utilisateur. Une problématique d’autant plus pressante que le modèle économique de ces sites repose largement sur la publicité ciblée, rendue possible par un trafic élevé.
Avec 7 millions de visiteurs quotidiens, la France est le deuxième plus grand marché de Pornhub dans le monde. Cette mesure de blocage pourrait donc avoir un impact significatif sur le trafic et les revenus de ces plateformes. En parallèle, une enquête européenne est en cours sur les manquements présumés à la protection des mineurs par plusieurs de ces sites, dont XNXX et XVideos.
La ministre de l’Égalité, Aurore Bergé, a salué la suspension comme une victoire pour la protection des enfants, estimant qu’il y aurait désormais “moins de contenus violents, dégradants, humiliants accessibles aux mineurs”.
Cependant, certains observateurs s’inquiètent d’un précédent en matière de liberté numérique et de surveillance des internautes. Aylo a déjà adopté une stratégie similaire dans plusieurs États américains confrontés à des législations analogues. En attendant une éventuelle résolution, les internautes français pourraient contourner le blocage par des VPN.