San Salvador, 1er août 2025 — Le Parlement salvadorien a approuvé jeudi une réforme constitutionnelle majeure qui modifie profondément les règles du jeu démocratique du pays. La nouvelle législation autorise le président Nayib Bukele à briguer un nombre illimité de mandats présidentiels, supprime le second tour électoral et prolonge la durée du mandat présidentiel de cinq à six ans.
Avec une majorité écrasante au sein de l’Assemblée législative, le parti Nuevas Ideas, fondé par Bukele, a rapidement fait adopter ces changements. Les partisans de la réforme soutiennent qu’elle renforcera la stabilité politique et réduira les coûts électoraux. Mais pour de nombreux observateurs, il s’agit surtout d’un pas de plus vers l’hyperprésidentialisme, déjà dénoncé par plusieurs ONG et institutions internationales.
Nayib Bukele, un président à la popularité hors norme
Élu en 2019, Nayib Bukele jouit d’une popularité exceptionnelle au Salvador, notamment en raison de sa guerre frontale contre les gangs criminels, qui a fortement diminué le taux d’homicides. Son style direct, souvent comparé à celui de Donald Trump, et son usage intensif des réseaux sociaux, lui ont permis de construire une image d’homme fort, en rupture avec la classe politique traditionnelle.
“Ce qu’on ne pardonnera jamais, je crois, à Haïti, c’est que c’est le pays qui nous a vaincus.”
« Le président Bukele pourra désormais se représenter à vie. Une décision qui suscite autant d’adhésion que de craintes. »
Cependant, la concentration des pouvoirs opérée depuis le début de son mandat inquiète les défenseurs de la démocratie. En 2021, Bukele avait déjà fait limoger plusieurs juges de la Cour suprême et le procureur général, consolidant davantage son emprise sur les institutions.
Fin du second tour et allongement du mandat
Outre la possibilité de réélections successives sans limite, la réforme élimine également le second tour en cas d’élections présidentielles. Ainsi, le candidat arrivé en tête au premier tour, même sans majorité absolue, sera déclaré vainqueur, ce qui pourrait réduire le pluralisme politique dans un pays déjà dominé par un seul parti.
Par ailleurs, la durée du mandat présidentiel passe de 5 à 6 ans, un changement présenté comme nécessaire pour permettre une continuité dans les politiques publiques. En réalité, ce prolongement pourrait accroître la difficulté pour l’opposition de revenir au pouvoir dans un futur proche.
Une vague autoritaire en Amérique latine ?
Le cas salvadorien s’inscrit dans une tendance régionale où plusieurs chefs d’État cherchent à prolonger leur pouvoir au-delà des limites constitutionnelles initiales. Des situations similaires ont été observées dans des pays comme le Nicaragua, le Venezuela ou la Bolivie. Ces évolutions nourrissent les craintes d’un affaiblissement progressif des contre-pouvoirs démocratiques sur le continent.
Face à cette réforme, l’opposition politique, affaiblie et divisée, dénonce une dérive autoritaire. Plusieurs figures de la société civile et des milieux académiques expriment leur inquiétude sur la capacité du pays à préserver des élections libres et équitables à l’avenir.
L’Organisation des États américains (OEA) et des organismes de défense des droits humains pourraient prochainement se prononcer sur cette réforme controversée, bien que leur poids diplomatique reste limité face à un gouvernement solidement installé.
La réforme constitutionnelle adoptée par le Salvador consacre l’extension du pouvoir présidentiel de Nayib Bukele, en supprimant les limites de réélection et en modifiant profondément les règles électorales. Si elle reflète la popularité indéniable du chef de l’État, elle pose aussi de sérieuses questions quant à l’avenir démocratique du pays.
