Le 11 septembre 2025, la Cour suprême brésilienne a rendu un verdict inédit. Jair Bolsonaro, ancien président du pays, a été condamné à vingt-sept ans et trois mois de prison, en régime initial fermé, assortis de cent vingt-quatre jours-amende, chacun équivalant à deux salaires minimaux. Le juge-rapporteur Alexandre de Moraes a souligné la gravité des faits et le rôle central de l’ex-chef de l’État dans ce qu’il a qualifié d’« organisation criminelle armée ». Seul le juge Luiz Fux a voté en faveur de l’acquittement.
La condamnation porte sur cinq crimes : tentative de coup d’État, tentative d’abolition violente de l’État démocratique de droit, participation à une organisation criminelle armée, dégâts qualifiés et dégradation de patrimoine protégé. Plusieurs proches de Bolsonaro, jugés dans le même dossier, ont également écopé de lourdes peines, certaines allant jusqu’à vingt-six ans. La police fédérale avait révélé l’existence d’un document interne, surnommé « Punhal Verde e Amarelo », décrivant des projets d’assassinat visant Lula, son rival élu, le vice-président Geraldo Alckmin et le juge Moraes. Si ce texte a pesé sur l’instruction, il est important de préciser que la condamnation prononcée ne repose pas sur des faits d’homicide, mais uniquement sur les infractions politiques retenues par le tribunal.
Pour les juges, Jair Bolsonaro a systématiquement instrumentalisé l’appareil d’État dans le but de délégitimer l’élection présidentielle de 2022, créer une instabilité sociale et se maintenir au pouvoir. La sévérité de la peine traduit la volonté de marquer un précédent. L’exécution effective dépend toutefois des recours à venir. La défense a déjà annoncé qu’elle contesterait le verdict devant les juridictions nationales et envisage même des démarches internationales. Depuis juillet 2025, l’ancien président vivait déjà sous contrôle judiciaire, équipé d’un bracelet électronique et soumis à des restrictions de déplacement.
« La conduite de Bolsonaro a instrumentalisé l’appareil institutionnel pour créer une instabilité sociale », a estimé le juge Alexandre de Moraes.
Cette condamnation soulève des enjeux politiques majeurs. Elle renforce l’image d’une justice capable de sanctionner au plus haut niveau, consolidant l’État de droit brésilien, mais elle risque aussi d’accentuer la polarisation. Le camp bolsonariste dénonce une « persécution politique » et se prépare à mobiliser sa base. Le gouvernement, de son côté, a salué l’indépendance des institutions, tout en appelant à préserver la stabilité démocratique.
À l’international, le jugement n’a pas tardé à provoquer des remous. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a dénoncé une « chasse aux sorcières » et promis une réponse de Washington, sans en préciser la nature. Le ministère brésilien des Affaires étrangères a rejeté ces déclarations, affirmant que le pays ne se laisserait pas intimider par des menaces extérieures. Ces tensions s’ajoutent à un climat déjà tendu, marqué par des sanctions américaines contre le juge Moraes et par l’imposition de barrières douanières.
L’affaire Bolsonaro est désormais perçue comme un test grandeur nature pour la démocratie brésilienne. Elle démontre qu’une tentative de coup d’État peut être sanctionnée au sommet de l’État, tout en révélant la fragilité d’institutions exposées à la désinformation et à l’extrême polarisation. Elle pose aussi une question plus large : dans quelle mesure la justice peut-elle affronter le politique sans être accusée de dérive partisane ? Les prochains mois, avec leurs recours judiciaires et leurs possibles répercussions diplomatiques, diront si ce moment marque un renforcement durable de l’État de droit ou s’il attise une nouvelle crise de confiance.