Une étude publiée mercredi dans la revue Nature attribue à 180 entreprises de combustibles fossiles et de ciment la responsabilité de 57 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone d’origine humaine produites entre 1850 et 2023. Ces émissions auraient contribué de manière significative à l’intensification de plusieurs dizaines de vagues de chaleur meurtrières observées au cours des vingt dernières années.
Les chercheurs ont analysé 213 vagues de chaleur survenues dans 63 pays entre 2000 et 2023. Selon leurs conclusions, une cinquantaine de ces épisodes auraient été « pratiquement impossibles » sans l’apport des émissions industrielles. Dans d’autres cas, les températures extrêmes observées pendant ces phénomènes auraient été sensiblement moins élevées en l’absence du réchauffement causé par ces activités. L’étude démontre ainsi un lien direct entre la responsabilité d’acteurs industriels identifiés et des événements climatiques extrêmes aux conséquences humaines et sociales graves.
« Ces vagues de chaleur auraient été pratiquement impossibles sans les émissions massives des grandes entreprises fossiles. »
Parmi les 180 entreprises, un sous-groupe de 36 se distingue par son poids démesuré. En 2023, ces seules sociétés concentraient plus de la moitié des émissions liées aux combustibles fossiles et au ciment attribuées à l’ensemble des « Carbon Majors ». Figurent dans cette liste des géants publics et privés, comme Saudi Aramco, Coal India, Gazprom, ExxonMobil, Shell, BP ou encore TotalEnergies. Si certaines entreprises privées ont commencé à ralentir leurs émissions, beaucoup de compagnies publiques voient encore leur empreinte carbone croître, malgré les engagements climatiques internationaux.
Le secteur du ciment, moins médiatisé que celui du pétrole ou du charbon, est également mis en cause. Sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre ne cesse d’augmenter, en raison notamment de la forte demande dans les pays émergents et du manque d’innovations technologiques à grande échelle pour décarboner la production.
Les impacts ne sont pas abstraits. Les vagues de chaleur tuent, fragilisent les systèmes de santé, réduisent la productivité agricole, provoquent des pertes économiques et aggravent les inégalités, en frappant plus durement les populations déjà vulnérables. L’étude souligne que ce sont souvent les régions les moins responsables des émissions qui en subissent les effets les plus sévères.
« En reliant les émissions à des vagues de chaleur précises, nous passons du global au concret », souligne le chercheur principal de l’étude.
En reliant pour la première fois des événements climatiques extrêmes à des entreprises précises, cette recherche ouvre de nouvelles perspectives politiques et juridiques. Plusieurs procédures judiciaires en cours aux États-Unis et en Europe s’appuient déjà sur des données similaires pour réclamer des réparations aux majors du carbone. À l’échelle internationale, ces résultats pourraient renforcer les appels à une gouvernance plus contraignante, à une transition énergétique accélérée et à une répartition plus équitable des responsabilités.
L’enjeu dépasse le seul débat scientifique : il concerne la légitimité d’attribuer une part de la crise climatique à des acteurs économiques identifiables, et la capacité des sociétés à les contraindre à agir autrement.