Accès à l’information en Haïti : où en est-on ?

Trente-huit ans après la reconnaissance par la Constitution de 1987, l’accès à l’information reste théorique faute de lois spécifiques
Homme sérieux avec journal en utilisant un smartphone Homme sérieux avec journal en utilisant un smartphone
Homme sérieux avec journal en utilisant un smartphone

Trente-huit ans après la reconnaissance du droit à l’information par la Constitution de 1987, aucune loi n’existe en Haïti pour rendre effectif ce droit fondamental des citoyennes et citoyens.

La Constitution de 1987 reconnaît le droit d’accès à l’information en Haïti. Une condition réglementaire de toute démocratie. Pourtant, ce principe – démocratique – reste largement théorique : aucune législation spécifique ne permet aux citoyennes et citoyens d’exiger des institutions publiques la communication d’informations. Cette carence fragilise la transparence, limite la redevabilité et affaiblit le contrôle citoyen sur la gestion publique.

« Il n’existe à ce jour aucune loi sur l’accès à l’information en Haïti. » — Avocat, Port-au-Prince

Une base constitutionnelle établie 

L’article 40 de la Constitution dispose :  “ Obligation est faite à l’État de donner publicité par voie de presse parlée, écrite et télévisée, en langues créole et française, aux lois, arrêtés, décrets, accords internationaux, traités, conventions, à tout ce qui touche la vie nationale, exception faite pour les informations relevant de la sécurité nationale”.

Cette reconnaissance ne couvre toutefois, à première vue, qu’un seul versant du droit à l’information : l’obligation de l’État d’informer le public sur ses décisions et activités. Le second volet – le droit du citoyen à demander et obtenir une information détenue par l’administration – n’y figure pas. Mais s’il est admis que le droit d’être informé implique in fine le droit d’informer, la base constitutionnelle est posée pour le législateur d’encadrer et de définir son application. 

Un avocat au barreau de Port-au-Prince, questionné sur l’existence d’une loi  sur l’accès à l’information, nous a déclaré : « Il n’existe à ce jour aucune loi sur l’accès à l’information en Haïti. En revanche, une proposition de loi est dans les tiroirs de l’ULCC, en attente d’un Parlement. »

Près de quatre décennies après 1987, le pays reste donc sans cadre légal clair pour l’accès à l’information.

Les conséquences d’un vide juridique

En l’absence de loi contraignant les organismes publics à ouvrir leurs livres et archives , il est presque impossible pour un citoyen d’évaluer objectivement la performance des responsables publics. Certes, des institutions autonomes de contrôle existent, comme l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) ou encore l’ULCC. Mais leur rôle reste limité et ne compense pas l’absence d’un droit généralisé d’accès à l’information.

« L’accès à l’information est un pilier central de la démocratie, indispensable à une opinion citoyenne éclairée. »

Pourquoi l’accès à l’information est-il essentiel ?

Dans un régime démocratique, les citoyens doivent pouvoir choisir leurs gouvernants sur la base d’une opinion éclairée. Or, sans information fiable et complète, ce choix est biaisé ou manipulé.

Un rapport  de la Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias du Parlement européen publié en juin 2021 rappelle que : « Il n’y a pas de démocratie sans la possibilité réelle de faire des choix délibérés. Cette possibilité ne peut être assurée que si le public est dûment informé et peut s’informer librement, si un véritable débat d’idées […] peut avoir lieu sur la base de la connaissance exacte, précise et complète d’éléments factuels ».

En Haïti, un accès effectif à l’information permettrait :

  • une opinion citoyenne mieux informée ;
  • une plus grande transparence dans les institutions publiques ;
  • une réduction des pratiques de corruption.

Une loi ne suffit pas

Même si une loi sur l’accès à l’information venait à être adoptée, elle ne garantirait pas mécaniquement l’effectivité du droit. Cela suppose aussi un changement de culture politique et administrative : valorisation de la transparence, protection des citoyens dans l’exercice de leurs droits, et éducation au débat démocratique.

En outre, l’exercice de ce droit reste tributaire d’un contexte politique stable. Or, Haïti vit depuis des décennies dans une succession de gouvernements provisoires. Aujourd’hui, le Conseil présidentiel de transition, issu de l’Accord du 3 avril 2024, doit rétablir la sécurité et organiser des élections d’ici février 2026. Un objectif que plusieurs observateurs jugent irréaliste au vu de la crise sécuritaire.

L’accès à l’information, reconnu par la Constitution de 1987, demeure théorique en Haïti. L’absence, entre autres choses, de lois spécifiques empêche sa mise en œuvre . Pourtant, il constitue un pilier essentiel à la démocratie. Alors que certains plaident pour que cette transition soit – la dernière – une question demeure : comment inscrire durablement l’accès à l’information au cœur de la vie démocratique haïtienne ?

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