La question de l’alcool revient au cœur du débat public en Pologne. Après l’échec d’une interdiction à Varsovie, deux partenaires de la coalition du Premier ministre Donald Tusk — La Gauche et le parti centriste Pologne 2050 — portent une proposition de loi pour instaurer une interdiction nationale de la vente d’alcool entre 22 h et 6 h. Le texte prévoit également un durcissement des règles sur la publicité, des limitations dans les stations-service et sur les plateformes en ligne.
La consommation d’alcool reste un problème majeur en Pologne. Selon Eurostat, le pays affichait en 2022 le deuxième taux de mortalité attribuable à l’alcool dans l’Union européenne, juste derrière la Slovénie. Le Centre national pour la lutte contre les addictions (KCPU) évalue le coût social de l’alcool à 93 milliards de zlotys (21,8 milliards d’euros) par an, contre seulement 14 milliards de recettes fiscales liées aux droits d’accise. L’OMS recommande de telles mesures, qui ont déjà été appliquées dans des pays voisins comme la Lettonie.
« Un ban top-down est indispensable », affirme Joanna Wicha, députée de La Gauche.
Varsovie, un cas d’école inachevé
La capitale polonaise avait tenté d’instaurer une interdiction nocturne. Mais le conseil municipal a rejeté la proposition de son maire Rafał Trzaskowski, invoquant une atteinte aux libertés individuelles. Seules deux circonscriptions expérimentent aujourd’hui le dispositif. Les résultats observés — baisse de la criminalité, rues plus sûres et réduction des admissions aux urgences — plaident en faveur d’un élargissement, selon la police locale.
Avec près de 119 000 commerces autorisés à vendre de l’alcool, la Pologne compte un débit pour 320 habitants. La comparaison avec la Suède est frappante : 900 magasins pour 11 000 personnes chacun. Dans ce contexte, Donald Tusk a dénoncé un « alcoolisme libéral » qui mine la vie nocturne des grandes villes.
Entre soutien politique et opposition des lobbies
Pour Joanna Wicha, députée de La Gauche, « un ban top-down est nécessaire », les collectivités manquant souvent de courage pour agir. Mais les industriels dénoncent une réforme « populiste ». Browary Polskie, le syndicat des brasseurs, met en avant la baisse continue des ventes de bière, en recul de 15 % en six ans, et craint que la loi ne touche aussi les bières sans alcool, perçues comme une alternative.
« La présence de personnes ivres tard le soir est tout sauf agréable », a déclaré Donald Tusk.
Le projet de loi est actuellement en consultation publique. Le Parlement devrait commencer à l’examiner fin octobre ou début novembre. L’issue dépendra en grande partie du soutien explicite, ou non, de Donald Tusk. Une décision qui pourrait marquer un tournant dans la politique de santé publique du pays.
