Port-au-Prince entre espoir et destruction progressive

Port-au-Prince s’effondre sous le poids de l’insécurité et de l’inaction de l’État, laissant la population sans recours.
Des manifestants expriment leur colère en brûlant une voiture devant un poste de police en Haïti. Les tensions s'intensifient dans le pays, reflétant les défis auxquels la société haïtienne est confrontée. Crédit Photo : Carlin Trezil Des manifestants expriment leur colère en brûlant une voiture devant un poste de police en Haïti. Les tensions s'intensifient dans le pays, reflétant les défis auxquels la société haïtienne est confrontée. Crédit Photo : Carlin Trezil
Des manifestants expriment leur colère en brûlant une voiture devant un poste de police en Haïti. Les tensions s'intensifient dans le pays, reflétant les défis auxquels la société haïtienne est confrontée. Crédit Photo : Carlin Trezil

Port-au-Prince, autrefois l’une des plus belles villes des Caraïbes, a progressivement sombré dans une spirale de violence, de pauvreté et d’instabilité. Jadis rayonnante jusqu’aux années 70 et 80, la capitale haïtienne a connu ses premiers grands bouleversements sous la dictature des Duvalier. En 1986, après des décennies de régime autoritaire, l’avènement de la démocratie avait fait naître un espoir nouveau dans le cœur des Haïtiens.

Des partis comme Lavalas et le Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK) ont succédé au régime dictatorial, promettant changement et développement. Pourtant, malgré cette alternance politique, la population reste largement insatisfaite. L’espoir d’un mieux-être s’est heurté à la réalité d’une gouvernance fragile, de promesses non tenues et d’une détérioration continue des conditions de vie.

L’insécurité persistante

Depuis le début des années 2000, Haïti est confrontée à une insécurité chronique. Ni les efforts nationaux ni les missions internationales, comme la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), n’ont permis de rétablir un climat sûr et stable. L’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021 a marqué un tournant. La situation sécuritaire s’est depuis gravement détériorée, notamment à Port-au-Prince, où les gangs armés multiplient les attaques et les territoires conquis.

Le 12 mai 2021, cinq agents du SWAT ont été tués à Martissant dans une opération contre le gang « 5 secondes ». Cet événement a marqué une escalade de la violence ciblant les forces de l’ordre. En janvier 2023, plusieurs autres policiers ont été massacrés à Liancourt et à Pétion-Ville par des groupes comme « kraze baryè », dirigé par Vitel’homme Innocent.

Une capitale aux mains des gangs

Face à l’inaction des autorités, les gangs ont gagné en assurance. Ils attaquent désormais commissariats, quartiers et centres urbains. Martissant, Croix-des-Bouquets, Delmas et bien d’autres zones sont sous leur coupe. Selon certaines estimations, près de 85 % de Port-au-Prince est aujourd’hui contrôlée par des groupes armés. Le quotidien des habitants est marqué par les déplacements forcés, la terreur, et la perte de tout repère.

Selon Human Rights Watch, environ 703 000 personnes sont déplacées en Haïti, dont un quart d’enfants. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) confirme une hausse alarmante des déplacements internes par rapport à 2022.

Une riposte encore timide

Le 1er mars 2025, un drone kamikaze utilisé par la Police nationale d’Haïti (PNH) a frappé une cible à Delmas 6, ancien bastion du groupe G9. Cette action, inédite dans l’arsenal tactique de la PNH, a été perçue comme un signal d’espoir par de nombreux citoyens. L’offensive aurait freiné les attaques prévues contre Delmas 30, 32 et 19.

Malgré cet épisode, la violence se poursuit. Les habitants de Carrefour-Feuilles, l’Avenue Christophe, Christ-Roi et d’autres zones continuent de fuir leurs domiciles, victimes des exactions de la coalition de gangs connue sous le nom de “Viv ansanm”.

Une réponse nationale fragmentée

Diverses stratégies ont été évoquées ou mises en œuvre : le soutien de troupes étrangères, la structuration de la mouvance bwa kale, symbolisant un « mariage » entre la population et la police, et l’acquisition de nouveaux équipements. Pourtant, ces efforts peinent à contenir l’expansion rapide des gangs.

Aujourd’hui, il ne resterait que 15 % de la capitale échappant encore au contrôle des groupes armés. Face à cette réalité, des questions s’imposent : Port-au-Prince est-elle vouée à tomber entièrement ? La peur changera-t-elle de camp ou continuera-t-elle de hanter les plus vulnérables ?

Une chose est sûre : même ceux qui hier étaient perçus comme les instigateurs de l’instabilité réclament désormais la sécurité.

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