La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu, le 23 juillet 2025, un avis juridique inédit : les gouvernements qui aggravent le changement climatique en ne prenant pas les mesures nécessaires violent le droit international. Cet avis non contraignant, mais hautement symbolique, pourrait transformer durablement les luttes climatiques dans le monde.
Cette procédure inédite a été déclenchée en 2019 par un collectif d’étudiants et de militants issus des États insulaires du Pacifique Sud, notamment du Vanuatu, l’un des pays les plus menacés par la montée des eaux. Leur initiative, soutenue par un lobbying international, a permis de soumettre la question à l’Assemblée générale de l’ONU, qui a officiellement saisi la CIJ. Celle-ci a accepté de se prononcer sur les obligations légales des États face au dérèglement climatique.
Trois principes juridiques majeurs
L’avis de la CIJ énonce trois principes structurants :
- Obligation universelle de réduction des émissions :
Tous les États, qu’ils soient ou non signataires de l’Accord de Paris, sont juridiquement tenus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). La Cour s’appuie sur des principes généraux du droit environnemental international, comme la prévention des dommages transfrontaliers et la protection de l’environnement mondial. - Responsabilité différenciée des pays développés :
Les pays historiquement les plus émetteurs doivent prendre l’initiative dans la lutte contre le réchauffement, mais aussi soutenir les pays vulnérables à travers un appui financier, technologique et logistique. Cette notion fait écho au principe de « responsabilités communes mais différenciées », déjà reconnu dans les accords climatiques. - Sanction de l’inaction climatique :
Un État qui continue à subventionner massivement les énergies fossiles, ou qui ne prend pas de mesures suffisantes, peut être accusé de commettre un acte illicite au regard du droit international. Cela ouvre la porte à des poursuites juridiques pour dommages environnementaux, y compris devant des juridictions nationales.
« Ce n’est plus seulement un combat moral ou politique. C’est un combat juridique. »
« Tous les États, signataires ou non de l’Accord de Paris, ont l’obligation de réduire leurs émissions. »
Pour la première fois, les rapports scientifiques du GIEC sont reconnus comme référence juridique. Cela marque une évolution majeure : les constats scientifiques sur le réchauffement climatique ne sont plus considérés comme de simples alertes, mais comme des fondements juridiques pouvant appuyer des actions en justice contre des États ou entreprises.
« Ce n’est plus seulement un combat moral ou politique. C’est un combat juridique », analyse un juriste en droit international interviewé par France 24.
Pourquoi cette décision change la donne
Même si l’avis n’a pas de caractère contraignant, il constitue désormais une base légale pour :
- les ONG, activistes et citoyens qui veulent attaquer un État ou une entreprise pour inaction climatique ;
- les juges, qui peuvent s’appuyer sur cet avis pour orienter leur jurisprudence ;
- les diplomates, qui y verront un argument dans les futurs sommets climatiques.
Les entreprises pétrolières, gazières et charbonnières sont également dans la ligne de mire : continuer à investir dans les énergies fossiles, sans intégrer une stratégie climatique sérieuse, pourrait désormais être interprété comme une violation du droit international.
La France a salué cette avancée comme une “victoire pour le climat”. Le Vanuatu, à l’origine de cette initiative, milite désormais pour que l’ONU transforme cet avis en norme juridiquement contraignante. Cela nécessiterait l’adoption d’un traité ou d’un protocole qui engagerait les États à agir sous peine de sanctions.
Enfin, la CIJ rappelle que le climat est indissociable des droits humains fondamentaux : droit à la vie, à la santé, à l’eau, à l’alimentation… Tous sont menacés par la hausse des températures, aujourd’hui proche de +1,3°C — à quelques dixièmes seulement du seuil de +1,5°C jugé critique par les scientifiques.