Depuis la crise du COVID-19, la recherche sur les virus hautement pathogènes est au cœur d’un débat scientifique et politique. En mars dernier, deux virologues publiaient dans le New York Times une tribune accusant certains chercheurs chinois d’avoir mené des expériences sur un coronavirus de chauve-souris proche du MERS sans recourir aux normes de sécurité maximales. Concrètement, des cellules humaines avaient été infectées par le virus, mais les équipes impliquées — issues notamment du laboratoire de Wuhan — avaient travaillé dans des conditions BSL-2, bien en deçà des standards habituellement exigés dans la plupart des pays.
Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France ou encore en Allemagne, de telles manipulations doivent être réalisées en laboratoire BSL-3 ou BSL-4, avec ventilation sécurisée et contrôle strict des accès. La Chine, dont la réglementation a été renforcée en 2004 puis en 2020, exige également le recours à ces installations. Pourtant, les expériences incriminées ont été autorisées par le comité de biosécurité interne du laboratoire de Wuhan.
Cette disparité illustre un problème global : l’absence de standards internationaux unifiés. Tandis que certains pays, comme le Canada ou l’Australie, publient des règles précises et détaillées, d’autres se contentent de lignes générales. Résultat : une réglementation fragmentée, source de confusion et de défiance.
« La recherche sur les virus est indispensable, mais elle doit être menée avec des règles de biosécurité claires et universelles. »
Une science sous suspicion depuis la pandémie
La pandémie de COVID-19 a exacerbé cette crise de confiance. Malgré l’absence de preuves liant directement le laboratoire de Wuhan à l’apparition du SARS-CoV-2, l’hypothèse d’une fuite accidentelle reste instrumentalisée, notamment par l’administration Trump. Parallèlement, de nouvelles données en faveur d’une origine naturelle par transmission animale continuent d’être publiées, sans clore le débat.
Malgré les critiques, la recherche sur des virus vivants demeure essentielle pour tester des antiviraux et mettre au point des vaccins. Sans ce type d’expériences, il aurait été bien plus difficile de développer rapidement les vaccins contre la COVID-19, qui ont sauvé des millions de vies. Or les scientifiques prévoient que d’ici 2050, des pathogènes comme Nipah, Machupo ou les filovirus pourraient causer jusqu’à 12 fois plus de décès qu’en 2020, en raison de la mondialisation, du changement climatique et de la déforestation.
Pour répondre à ces enjeux, des experts plaident pour la mise en place de directives mondiales, sur le modèle des règles éthiques encadrant la recherche sur les embryons humains établies par l’International Society for Stem Cell Research. Celles-ci définiraient les risques acceptables, les niveaux de confinement exigés et les conditions de validation d’un projet scientifique.
« Sans études sur les virus vivants, il aurait été bien plus difficile de développer les vaccins contre la COVID-19 », rappellent des chercheurs.
L’objectif est clair : garantir que les expériences sur des virus dangereux puissent se poursuivre dans des conditions de sécurité maximales, tout en restaurant la confiance entre la science et la société.
